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Photo du rédacteurBéatrice Hennes

Entretien avec Pascal Donjon, traducteur du « Moineau rouge »

Dernière mise à jour : 29 janv.



Première de couverture du Moineau rouge, de Nada Varnicic-Donjon ; dans la boucle du "b" de Bougainvillier, la photographie d'un arbre dans les tons orange.

Vendredi 19 janvier, 13h59 précises. Je m’empare de mon téléphone pour composer le numéro de Pascal Donjon, afin de m’entretenir avec lui sur son métier de traducteur. Après une tonalité seulement, il décroche. De sa voix claire et franche, dans laquelle je décèle comme un léger accent faisant remonter ses intonations vers l’aigu en fin de phrase, il a accepté de me révéler quelques fragments de sa vie, de son travail et de celui de son épouse, Nada Varničić (prononcez « Varnitchitch »), auteure du Moineau rouge, publié chez Bougainvillier éditions. Un recueil de nouvelles qui, selon son traducteur, invite à la lecture. Et il est particulièrement touchant de constater comme Pascal Donjon poursuit le travail initié par son épouse. À la manière dont il en parle, de ce petit Moineau rouge, on devine qu’il a aimé le lire et le relire, et, cela va sans dire, le traduire.


Vers une nouvelle carrière


À l’origine, Pascal Donjon est formé en informatique. Fin 1979, début 1980, lui et son épouse s’installent à Belgrade. Différentes opportunités de travail n’ayant pas abouti, reste une solution : apprendre le serbe et devenir enseignant de français.


Une fois qu’il « a commencé à parler à peu près correctement le serbe », l’Institut d’Études byzantines s’intéresse à lui. Au début, il relit les interventions – écrites en français – de certains de ses membres, pour des conférences. Puis, il s’en voit confier la traduction, ainsi que celle d’articles pour diverses publications. Ce néo traducteur, qui pensait davantage intervenir dans le secteur commercial, devient bientôt traducteur attitré d’autres instituts : archéologique, d’histoire et d’histoire de l’art.

Mais une chose en entraînant toujours une autre, à peine commence-t-il à se fondre dans ce nouvel univers que le conflit éclate en Yougoslavie, le poussant à s’orienter vers la traduction journalistique.

Pour finir, quel secteur Pascal Donjon n’a-t-il pas encore exploré… ? Ah oui, il reste le domaine médical, vers lequel il se dirige à partir des années 2000.


La traduction, techniquement et précisément


Traducteur malgré lui, donc, Pascal Donjon s’est toutefois épanoui dans ce nouveau métier d’accueil. Il dit aimer cette liberté totale de pouvoir travailler quand il le souhaite, matin ou soir. « Puis, finalement, on s’aperçoit qu’il y a toujours des dates pour rendre les textes, et donc, il faut travailler tout de suite ! » ajoute-t-il avec humour. Selon lui, la « qualité » indispensable à un bon traducteur est le goût de la lecture. Il faut lire, et lire beaucoup, afin d’acquérir un vocabulaire riche et développé. Afin d’être capable de trouver des solutions à des mots, à des passages, à des tournures de phrases qui posent problème. « En serbe, deux mots peuvent se succéder, ça passe très bien et la traduction fonctionne, mais en français, les deux mots ont pratiquement la même consonance. Donc, ça ne va pas. »


Eh oui, le traducteur endosse parfois presque le rôle d'auteur. Il réécrit le texte en fonction des impératifs de la langue de destination. La phrase doit « bien sonner ». L’ordre des mots peut fonctionner en serbe, mais pas en français. « Il faut donc chambouler la phrase, la renverser, en modifier les éléments. »


Comme pour toute langue, certaines expressions ou certains mots, en serbe, ne sont pas traduisibles tels quels en français. Il s’agit de modifier la phrase, son aspect, tout en gardant l’idée d’origine de l’auteur, bien sûr.


Photographie d'une photographie ; groupe de petites filles asiatiques en tenue, maquillage et coiffures traditionnels.
Photographie d'une sculpture d'un personnage (sorte de jardinier) de 30 centimètres environ, posé sur un rebord de fenêtre.

Le moineau rouge, des consignes de traduction respectées à la lettre


Publié à titre posthume par la famille de son auteure (pour la version serbe comme la version française), Le moineau rouge a indéniablement eu une saveur particulière pour Pascal Donjon. Nada Varničić et lui avaient commencé à travailler sur la traduction ensemble. Après son décès, Pascal Donjon a donc naturellement souhaité poursuivre le travail inachevé, comme une évidence, comme une certaine façon de continuer à partager des moments avec elle. Et puis aussi, tout simplement parce que les histoires de ce recueil lui plaisaient, lui parlaient, et qu’il avait « trop envie de les partager ». Pour respecter l’œuvre de son épouse, Pascal Donjon sait parfaitement quoi faire, il a la clé : rédiger des phrases courtes, ne garder que l’essentiel, « un minimum de mots pour suggérer un maximum de choses ». Ne surtout pas trop développer ni décrire les idées au lecteur ; au contraire, laisser l’imaginaire de ce dernier faire le reste du travail. Tout est dans la suggestion


« C’est une mécanique parfaitement bien faite, mûrement réfléchie, au point qu’il est difficile de choisir la nouvelle qui nous séduit le plus… »


Le moineau rouge ou une invitation à (re)venir à la lecture


« Ce petit livre, ce petit moineau, on a l’impression qu’il est vraiment écrit pour inciter, ramener, emmener les gens vers la lecture. » Et c’est bien vrai. Facile à aborder, facile à lire, Le moineau rouge est fondamentalement universel. On sent que, dans chaque histoire, il y a un peu de Nada Varničić (par exemple, la photographie de Kimi dans l’histoire du même nom est bien réelle !), mais que cette part d’intimité est pétrie et façonnée de manière que chacun puisse s’y reconnaître et y retrouver un peu de soi.


Loin d’être un recueil morne et sombre, certaines nouvelles sont aussi empreintes d’humour. Pascal Donjon compare la plupart d’entre elles à ces petites B.D. en quatre cadres que son épouse aimait tant. Les trois premiers cadres posent rapidement la situation et préparent au quatrième, la chute, qui, le plus souvent, prête à sourire.


Nada Varničić était une grande lectrice, férue de Gide. Mais aussi d’auteurs russes, japonais ou encore turcs. « À travers ce petit livre, elle voulait emmener les gens vers la lecture. Transmettre un message. Il y a beaucoup à découvrir dans ce livre. En lisant ces histoires, peut-être que les gens se découvrent eux-mêmes. S’ils se découvrent comme lecteurs, c’est sans doute la meilleure des choses qu’on puisse souhaiter. »


Le moineau rouge est toujours disponible, au prix de 15 €, sur notre boutique en ligne.

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